Partir à l’étranger est presque toujours un choix. C‘est beaucoup moins vrai s’agissant du retour en France. Même si les trajectoires personnelles sont multiples, le constat est presque toujours le même : ces Français de l’étranger ont quitté avec regret leur pays d’accueil. Le retour en France est vécu par certains comme un échec alors que d’autres y voient le début d’une nouvelle vie. Un paradoxe, alors que tous rentrent dans leur patrie d’origine. Loin des clichés, ces Français évoquent tous l’aspect intime du retour d’expatriation.
“Je ne regrette pas d’être partie, même si rentrer n’est pas évident. Avec du recul, je constate qu’il faut préparer son retour en France avec beaucoup d’anticipation”. Elise François-Dainville se souvient précisément de ce mois de janvier 2013, lorsqu’elle a quitté Madagascar : “Quand on revient en France, on vit une nouvelle expatriation. Depuis que je suis revenue, j’utilise la même stratégie d’adaptation, sauf que là, c’est dans mon propre pays”.
S’organiser, pour reconstruire une vie en France
La France serait donc un pays à (re)découvrir. Un pays qu’ont bien du mal à reconnaître les anciens Français de l’étranger. Et pour cause : il leur faut tout reconstruire. Une réinstallation implique de retrouver un logement, une école pour ses enfants, de renouer avec l’administration, sans parler d’une éventuelle recherche d’emploi. Autant de démarches qui peuvent s’avérer pénibles, surtout lorsqu’elles doivent s’effectuer dans un court laps de temps.
Pour Elise François-Dainville, il est important de ne pas perdre de temps. “Il faut se tourner vers des organismes spécialisés et leur demander conseil. C’est important de se replonger dans le contexte français. Il est pesant d’avoir toutes ces tâches à accomplir en même temps. Trouver une voiture, s’occuper de la crèche, de la sécurité sociale, du téléphone et d’Internet prend énormément de temps…”
Avant leur expérience malgache, Elise et Emmanuel, son mari, ont d’abord vécu au Maroc. Lui est recruté comme directeur d’une Alliance française dans le pays, dans le cadre d’un volontariat international. Elise est recrutée localement pour donner des cours de français. Le couple bénéficie, à l’époque, d’une assurance privée.
N’ayant jamais cotisé à la CFE (la Caisse des Français de l’Étranger), le couple ne s’est jamais préoccupé d’être rattaché au système français : “J’ai 33 ans et je n’ai jamais cotisé pour ma retraite. Je ne sais pas si j’en aurai une un jour“, s’inquiète-t-elle. Emmanuel vient de retrouver un emploi en Franche-Comté. Mais pendant presque un an, le couple ne perçoit que le RSA (Revenu de solidarité active) : “en France, vivre avec 900 euros par mois est très difficile. Par chance, notre famille nous a beaucoup aidés. Elle nous a prêté une maison en Bretagne, où nous avons vécu pendant une année : nous n’aurions jamais pu trouver un logement avec nos revenus.”
Trouver un logement, une épreuve
Flora Delamare, rentrée du Burundi avec son mari depuis le mois de juillet, a connu des difficultés similaires. “Sur le plan personnel, ce retour n’a pas été si dur que ça. Dénicher un appartement a été le plus compliqué, car nous n’avions pas d’emploi à l’époque”, raconte-t-elle.
Trouver un logement n’a en revanche pas posé de problème à la famille d’Isabelle Galmiche, expatriée aux États-Unis pendant trois avant de rentrer à Toulouse. “Nous avons cherché une maison sur internet et nous l’avons achetée sans l’avoir vue” ! Son mari, Jean-Michel, venait d’effectuer une mission de trois ans pour Thalès dans l’État du Michigan. Une société qu’il a réintégrée en rentrant.
Des expériences professionnelles dévalorisées
La question professionnelle est également au centre des préoccupations de ces ex-Français de l’étranger. Retrouver un emploi en France s’avère plus ardu que prévu. Beaucoup s’étonnent que leur séjour à l’étranger soit si peu valorisé par leurs pairs.
“L’expérience internationale n’est absolument pas prise en compte par les recruteurs. Ils évitent même d’en parler lors des entretiens. Ils préfèrent se rapporter aux expériences antérieures en France, dont ils connaissent la valeur“, constate tristement Flora Delamare, aujourd’hui assistante de direction au cabinet du ministre des Transports.
Et, de facto, la richesse de ces expériences professionnelles est souvent minorée. Emmanuel a d’abord dirigé l’Alliance française de Safi, à l’ouest de Marrakech, avant d’occuper un poste similaire à Madagascar pendant trois ans. Des emplois systématiquement dévalorisés. “En France, un poste de directeur dans un pays en sous-développement correspond à celui d’un sous-directeur. Ils n’ont pas la même valeur. Ce qui est paradoxal, car on fait très vite partie de l’élite dans ces pays”, commente Elise François-Dainville.
À l’inverse, les entreprises qui envoient leurs employés travailler à l’étranger mettent en avant le gain professionnel pour l’entreprise mais aussi pour l’expatrié. Pour Isabelle Galmiche, cet argument est surtout utilisé pour justifier le retour des salariés : “Les entreprises vous disent que les expatriés doivent rentrer pour enrichir leur société de leur expérience. Or, le discours officiel est qu’il n’est pas possible pour un Français de rester sur place. Ce séjour à l’étranger est un enrichissement personnel mais il n’apporte pas grand-chose en terme d’avancement professionnel.”
Décalés
De retour au pays, tous expriment le même malaise. Certains se sentent à l’étroit, malgré un rapprochement certain avec la famille. “Le climat français est morose. Au bout d’un moment, mon mari a commencé à étouffer. Nous nous retrouvions dans un cadre où aucune aventure n’était possible”, raconte Isabelle Galmiche. Quant à Elise François-Dainville, le choc a été d’autant plus rude qu’elle revenait d’un pays pauvre. “À notre retour, nous avons été choqués par l’hyperconsommation qui régnait en France. Nous avons vécu très simplement à Madagascar, avec une seule paire de chaussures par personne !”
Le décalage est parfois tel qu’ils n’osent pas raconter leur ancien quotidien. “Quand on est habitué aux coupures d’eau et d’électricité pendant plusieurs jours, on ne sait pas comment le raconter une fois en France. On ne sait pas comment ce sera compris“, remarque Flora Delamare.
Repartir ?
Isabelle Galmiche et sa famille ne se sont jamais réhabitués à la vie française. 3 ans de cette vie leur ont permis de formuler leur désir de retour vers les États-Unis. Un pays dans lequel ils se sont définitivement installés en 2007. “Quand une opportunité s’est présentée pour aller travailler en Californie, nous l’avons immédiatement saisie“.
Après deux ans d’expatriation dans la ville industrielle d’Irvine, le mari d’Isabelle a choisi de rester. Il est désormais employé sous contrat local. Pour le couple, la décision du retour aux États-Unis a surtout à voir avec le système scolaire français, avec la philosophie duquel ils étaient en désaccord : “Aux États-Unis, nous avions scolarisé la plus jeune de nos enfants dans une école Montessori. C’est une école qui suit une pédagogie dite ‘ouverte’, dont les méthodes se basent sur l’enseignement mutuel. Les parents faisaient quasiment partie de l’école. Alors qu’en France, le professeur se retrouve seul face à la classe. Ce n’est pas surprenant qu’il ait du mal à gérer les enfants”, explique-t-elle.
Isabelle avoue pourtant volontiers avoir eu de la chance en ce qui concerne son retour en Amérique du Nord. Jamais sa famille ne l’aurait envisagé si la proposition n’était pas venue de la compagnie de son mari. Les anciens expatriés rêveraient-ils donc de repartir ? Selon l’Observatoire de l’expatriation, du cabinet de conseil Berlitz, ce serait le cas pour… 90 % d’entre eux.
Source : La voix de France